Le LEB et les Sha­doks

Eugène pompe et pompe encore

Publikationsdatum
15-11-2017
Revision
18-11-2017

Cette fois, ça y est ! Espéré, bloqué, retardé et enfin démarré, le chantier du LEB (Lausanne – Echallens – Bercher) a débuté à l’avenue d’Echallens. La capitale mondiale du canton de Vaud a mis le paquet: un chantier à 136 millions de francs pour creuser un tunnel de 1,7 km au centre ville. Quand on creuse, on ne compte pas.

Pour les sots qui habitent Genève, Fribourg ou Sion et se paient le luxe d’ignorer les problèmes que connaissent les transports publics lausannois, rappelons qu’il s’agit d’un paisible tortillard inauguré en 1873. Ce qui, mine de rien, fait de lui le premier chemin de fer à voie métrique de Suisse. A l’origine, il servait à apporter au centre de Lausanne les denrées produites à la campagne et à transporter des ouvriers. Enfin, pas tout à fait au centre, puisque la ligne s’arrêtait un peu avant le carrefour de Chauderon. Mais déjà à la fin du 19e siècle, on parlait de prolonger la ligne jusqu’au Flon, où le quartier des entrepôts surgissait de terre. Cette idée convainc tout le monde et sera rapidement réalisée… en l’an 2000 (exemple parfait d’un projet qui fonce lentement). Le tunnel d’une longueur de 1200 mètres coûtera la bagatelle de 115 millions. Mais quand on creuse, on ne compte pas.

Au passage, relevons que ce gros bouseux de LEB se paie quelques stars de l’architecture, puisque la gare enterrée de Chauderon est dessinée par Aurelio Galfetti et que celle (également enterrée) du Flon est signée par le trio Bernard Tschumi, Luca Merlini et Emmanuel Ventura.

Le LEB est donc un train qui roule en ville sur près de trois kilomètres, avant de rejoindre les communes limitrophes (Prilly, Romanel-sur-Lausanne, Cheseaux…), puis de foncer à travers champs. Mais sur l’avenue d’Echallens, la cohabitation entre train, bus, voitures, cyclistes et piétons vire au cauchemar. Le LEB percute des voitures, défonce un bus et fauche même une piétonne. D’autant plus que la cadence horaire est passée au quart d’heure désormais. Le politique décide de rajouter un tunnel au tunnel : creuser une galerie sur près de deux kilomètres pour rejoindre l’arrêt Prilly-Chasseur.

Durant la cérémonie du lancement du chantier qui s’est tenue le 3 novembre dernier à l’entrée de la gare de Chauderon, la conseillère d’Etat Nuria Gorrite a rappelé que depuis ces accidents, «les chauffeurs du LEB roulent la boule au ventre». Diable ! On dirait que le tortillard traverse Beyrouth durant la guerre civile ! Qu’il va essuyer des tirs de snipers planqués aux fenêtres des maisons 19e bordant l’avenue d’Echallens. Qu’il sera pris d’assaut par des hordes de sauvages à la Mad Max, arpentant le parc de Vallency.

Le chantier durera jusqu’en 2020. Les gravats du nouveau tunnel seront évacués en utilisant… un autre tunnel. Celui qui serpente sous la ville sur 3,5 km en reliant la gare de Sébeillon à l’usine d’incinération Tridel, située au nord de la ville. Mais ce n’est pas tout, puisque du côté de Prilly «un pont provisoire sera construit en 2018 pour permettre de maintenir le trafic routier et ferroviaire durant les trois années du chantier», nous annonce le site des TL. Il y aura donc des ouvriers dans les tunnels, sur l’avenue d’Echallens et sur le pont : ce n’est plus un chantier, c’est un mille-feuille!

Le tunnel sera percé dans la mollasse à trente mètres sous terre. Hélas, sous le quartier Montétan (parc de Vallency, Hôpital de l’Enfance…), la couche est très instable. Le tunnel passera donc 100 mètres plus au nord. Conséquence: suppression définitive de l’arrêt Montétan!

Si bien qu’en 2020, lorsque tout sera achevé, le résultat sera pour le moins curieux. Le LEB quittera la gare de Chauderon pour foncer dans un tunnel pendant deux kilomètres jusqu’à la commune voisine. Le LEB a tellement peur des Lausannois, qu’il ne veut voir personne, ne prend plus personne, ne rend plus service à personne. Bien sûr, les voyageurs pourront se rabattre sur le bus 9 qui circule déjà le long de l’avenue d’Echallens. Mais tout de même ! Dépenser 136 millions de francs pour laisser tomber une station… «S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème» disaient les légendaires Shadoks. Pour Lausanne, pareil. Entre les arrêts Prilly-Chasseur et Chauderon, le RER joue la taupe effarouchée, aveugle à tout nouveau passager. Quel étrange résultat final pour le LEB!

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