Le bruit de­venu son

Éditorial numéro 9/2018

Publikationsdatum
19-04-2018
Revision
21-04-2018

Comme Rotor en Belgique et Superuse aux Pays-Bas, Bellastock en France fait partie de ces collectifs européens qui pressent l’écologie constructive d’affronter certaines de ses contradictions. En quête d’une efficacité qui dépasserait le stade de la «démonstration vertueuse», Bellastock met en place de véritables fabriques de transformation des matériaux récupérés au cœur de ses chantiers. A partir de dalles en béton d’immeubles démolis, ils génèrent des éléments réutilisables. Le cycle se veut court et la reconversion se fait sur place, avec les habitants. Les éléments produits servent essentiellement à aménager l’espace public: les locaux pour les containers à ordures, les espaces partagés, les allées, les aires de jeu.

Les images radieuses d’un chantier ouvert et participatif au cœur de la cité cachent un enjeu réel qui n’est pas des moindres: celui du bruit. Tout acte de transformation de matériaux de construction in situ génère une nuisance sonore non négligeable. Faire le choix d’un chantier de ce type exige donc, de la part des habitants, un effort supplémentaire pour vivre, le temps des travaux, avec le son des scies circulaires taillant des blocs de béton.

Au-delà du caractère circonstanciel et anecdotique de la chose, cette rencontre entre des habitants et une charge sonore supplémentaire pose plus généralement la question de la tolérance à l’activité artisanale et industrielle dans les zones d’habitation. Elever le seuil de ce qui est tolérable en termes de nuisances constitue l’un des principaux caps à surmonter afin de rendre possible une nouvelle mixité d’usages dans les zones résidentielles. Cette nouvelle urbanité, moins assujettie à la «dictature» du calme résidentiel, rend possible de nouvelles formes de coexistence et de mitoyenneté, où l’habitat s’accommode des bruits mécaniques issus d’une industrie légère ou des horaires décalés d’un entrepôt de stockage.

Bien plus qu’un chantier législatif et normatif, cette lente évolution des mentalités s’avère être un chantier culturel: un travail de persuasion qui mobilise des exemples, des arguments et des représentations afin de rendre souhaitable une autre conception du confort. Cet aspect des choses explique en partie le caractère pédagogique de la plupart des projets d’écologie constructive radicale.

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