Las­caux 6

Eugène ne sait plus où donner de la tête

Combien de grottes de Lascaux existe-il aujourd’hui dans le monde? Cette chronique est celle d’un décompte surréaliste.

Publikationsdatum
08-01-2016
Revision
08-01-2016

1re grotte. En 1940, tandis que la bataille d’Angleterre fait rage dans le ciel britannique, quatre adolescents suivent leur chien Robot qui a pénétré dans un trou de la taille d’un ballon de foot, en Dordogne. Quel trou ! Des fresques vieilles de deux cents siècles dorment dans le silence des ténèbres. Malgré l’Occupation, les gens affluent pour déambuler dans ces 250 mètres de boyaux. Pas idiots, les inventeurs de la grotte vendent des billets d’entrée pour deux francs. La situation devient vite ingérable, si bien que le joyau de l’art paléolithique est fermé. Dès le début, Lascaux est une affaire de gestion du flux des visiteurs. En 1948, la grotte est rouverte après des aménagements massifs consentis par le comte de La Rochefoucauld, propriétaire de la grotte. Construction d’une route, d’une porte d’entrée monumentale, électrification, escaliers et abaissement du sol sont au programme.

2e grotte. En 1963, tandis que le nombre de visiteurs a franchi le cap du million, André Malraux (qui s’y connaît en pillage d’œuvres d’art) ordonne la fermeture du site.
La société propriétaire de Lascaux, fondée par la famille de La Rochefoucauld, se lance dans la réalisation d’une réplique d’une partie représentative de la grotte (le Diverticule axial et la Salle des taureaux), avec une autorisation d’exploitation de trente ans. Lascaux II est mis en chantier à 300 mètres de la grotte originale. Trop coûteux, le projet est en partie financé par la vente de l’original à l’Etat, en 1972.
La prouesse technique est unique pour l’époque. Une double coque en béton dont l’intérieur reproduit fidèlement la grotte originale est réalisée à partir des relevés de l’Institut géographique national. Sur une armature métallique sont posées plusieurs couches de grillage à mailles suffisamment fines pour retenir le béton projeté. La paroi est reconstituée par un procédé de fibro-ciment. Quant à la reproduction des œuvres, elle est confiée à Monique Peytral, artiste fresquiste originaire de Marseille.
Le fac-similé ouvre en 1983 et accueille 300 000 visiteurs par année.

3e grotte. Passé l’an 2000, le fac-similé menace de tomber en ruine, à son tour! Comme il s’agit d’un monument hors du commun, on décide de le préserver… au même titre que l’original.
Le conseil régional de Dordogne voit les choses en grand. Rénovation de Lascaux II et mise en chantier de Lascaux III, une exposition itinérante présentant des parties de la grotte différentes de Lascaux II.
Renaud Sanson, ancien machiniste de cinéma, développe une nouvelle technique: relevé au laser de l’intérieur de la grotte et développement d’un procédé de reproduction des parois nommé le « voile de pierre ». Il devient possible de copier des portions de parois à l’identique! Autre avantage: la légèreté. Les voiles de pierre prennent la mer (à condition de ne pas dépasser la taille d’un container maritime standard).
Depuis 2013, Lascaux a surgi à Chicago, Houston, Montréal. La grotte est en ce moment à Palexpo, Genève. Puis repartira pour la Corée du Sud et le Japon.
Il est révélateur que le catalogue de l’exposition ne présente que des photographies prises dans Lascaux II. Les trois cents peintures de Monique Peytral sont enfin reconnues à leur juste valeur.

4e grotte. En 2016, la Dordogne inaugurera son vaisseau amiral: Lascaux IV. Encore un fac-similé? Oui mais, cette fois, il reproduira l’intégralité de la grotte, toujours en recourant au voile de pierre.
C’est le bureau norvégien Snøetta qui a imaginé ce Centre international d’art pariétal. Un complexe de 11 000 m2 pour un budget de 60 millions d’euros. L’humanité en général et la Dordogne en particulier doivent beaucoup à la curiosité du chien Robot!

5e grotte. Parallèlement à Lascaux IV, un travail de numérisation des parois est mené à bien. Lascaux accède à l’éternité immatérielle. D’ailleurs, ce clone numérique est présenté en projection 3D dans l’exposition itinérante. Dans une salle de cinéma, le spectateur découvre la grotte comme personne ne l’avait encore jamais vue: on peut zoomer sur un renne, s’élever jusqu’au plafond pour retrouver le point de vue de l’artiste paléolithique, juché sur son échafaudage.
6e grotte. Il existe une dernière grotte. La plus belle et poétique de toutes. Elle se cache au fond de la mémoire de Monique Peytral. L’artiste raconte que, pour mieux se mettre à la place des chamans qui ont peint Lascaux, elle a patiemment mémorisé chaque cheval et chaque auroch. De cette façon, les courbes, les crinières et les taches colorées venaient «de l’intérieur de son être». Aujourd’hui, Monique Peytral est âgée de 88 ans. Mais la grotte est toujours dans sa mémoire.

Lascaux – chef d’œuvre de la préhistoire

Halle 7 de Palexpo, Genève
jusqu’au 17 janvier 2016
www.lascaux-expo.ch/

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