L'Ap­pât du gain

Vous pensiez qu’Eurodisney avait atteint le sommet de la vulgarité (architecturale) ? Préparez vous donc à affronter Eurovegas. Sheldon Adelson, président de Las Vegas Sands, a su faire monter les enchères en mettant en concurrence les deux régions. Car l’enjeu est de taille : pas moins de 260 000 emplois directs ou indirects, pour 15 milliards d’euros d’investissements. Dans un pays où le taux de chômage avoisine les 25 %, les promesses du milliardaire en font rêver plus d’un. 
Peut-on refuser un tel présent ? 
Au regard des concessions que va devoir faire l’Etat, on pourrait se demander s’il s’agit bien d’un cadeau : exemption de la TVA, des impôts sur le jeu, des cotisations sociales, réforme du code du travail, régime légal dérogatoire, don des terrains, autorisation de jeux pour les mineurs, suspension des mesures contre le blanchiment d’argent, etc. La liste de ce qu’il va falloir accepter pour avoir le privilège de devenir la prochaine terre promise des joueurs du monde entier est longue. Sans oublier le bilan écologique de l’opération, qui s’annonce déjà catastrophique. 
Finalement, le principal argument contre ce projet ne rentre pas dans ce calcul de pertes et de gains, mais concerne le type d’investissements dont il est question. Car planter des machines à sous n’est pas exactement ce qu’on peut appeler un investissement productif. Dans un contexte de crise engendrée par la spéculation immobilière, où les aéroports neufs désaffectés s’alignent face aux projets immobiliers inoccupés, l’Espagne, contre toute prudence, semble miser sur une opération hautement spéculative pour s’en sortir. S’agit-il de combattre le feu avec le feu, ou d’éteindre un brasier avec de l’huile ? 
Pendant ce temps, aux USA, Las Vegas est préfiguré pour devenir le prochain Détroit, la prochaine ville fantôme.