La ville com­pac­te

Éditorial de Tracés n°17/2011

Publikationsdatum
09-01-2012
Revision
19-08-2015

A première vue, les thèmes abordés lors du forum Ecoparc 2011 peuvent paraître contradictoires. Ils oscillent entre l’optimisme imaginatif de Luc Schuiten qui tente de préfigurer la forme des villes en 2200, et le pragmatisme d’Ernst Hauri qui nous rappelle que la fabrique des villes est surtout déterminée par un ensemble d’opinions convenues sur le bonheur domestique. 
Ce qui nous semblait une série de postures antinomiques s’avère en fin de compte être une assez bonne restitution des dynamiques en jeu. L’avenir de nos cités, leur développement et leur adaptation aux exigences du nouveau millénaire, se joue précisément entre ces deux extrêmes : l’utopisme d’une projection et sa confrontation à la réalité économique et socioculturelle. Car le progrès en matière d’habitat ne va pas de soi. C’est sur le mode de la nécessité que la société en vient à adopter certaines évolutions. L’exemple de la densité est représentatif de cette situation.
Le concept de ville dense a fait l’objet d’âpres débats au 20e siècle. Il a été le fer de lance d’un revirement de la modernité dans les années 60, avec toute une série de remises en questions spectaculaires. C’est dans un climat de radicalité qu’une nouvelle génération d’architectes l’a brandi comme une des clés du nouveau bien être collectif, contre l’étalement et le zonage qui prévalaient jusque-là. 
Or, ni les fantaisies d’Archigram, ni la pertinence des expériences de Giancarlo de Carlo n’auront suffi à généraliser le principe de densité dans l’aménagement de l’espace urbain. Il aura fallu, pour qu’elle redevienne un concept fondamental des planificateurs, un changement tout à la fois économique et culturel ; une crise énergétique qui porte atteinte à la crédibilité de l’option automobile, et un nouvel art de vivre partisan du retour au centre ville, dense et animé. Les dernières statistiques sur la possession de voitures à Paris sont révélatrices de cette inversion de la tendance : un foyer avec enfants sur deux n’en possède pas. 
Dans le contexte suisse, la question de la densité revêt une dimension supplémentaire : celle de la  préservation du paysage naturel et agricole. La structuration métropolitaine du territoire helvétique fait que de grandes portions du pays (axe lémanique, axe Berne-Zurich) deviennent progressivement périurbaines. Entre la promesse d’un nouveau bonheur citadin et l’ambition de freiner l’étalement, la densité urbaine s’impose à nouveau.  
Les villes compactes du premier millénaire de notre ère étaient des réponses pragmatiques à des situations de crise. La densité répondait alors à des questions de logistique et de sécurité. La préservation de l’environnement non bâti et la réduction des déplacements énergivores constituent des enjeux tout aussi concrets que les invasions du 5e siècle. C’est précisément pour cette raison que la densification revient aujourd’hui à l’ordre du jour.

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