La so­cia­bi­li­té bâ­tie

Editorial du 11/2016

Publikationsdatum
24-05-2016
Revision
26-05-2016

Ce numéro regroupe deux sujets distincts, sans lien apparent : un dossier de Stéphanie Sonnette sur le regain d’intérêt pour les coopératives d’habitants en Suisse romande, et un texte, inédit en langue française, de Xavier de la Salle, pionnier des aires de jeux créatives dans les années 1960. Son texte, publié dans son intégralité, est tiré du catalogue de l’exposition The Playground Project qui vient de se terminer à Zurich. 

On pourrait se demander quelle est la signification de ce nouvel engouement pour les coopératives d’habitants. Pourquoi, à l’heure de la démultiplication des réseaux sociaux numériques, à l’heure des communautés d’amis perpétuellement reliés par leurs appareils cellulaires, à l’heure où des sondages confirment qu’un jeune sur deux dort avec son smartphone à portée de main, ceux qui manifestent le besoin d’édifier leur sociabilité ailleurs que sur les réseaux virtuels sont de plus en plus nombreux? 

Dans l’absolu, les coopératives d’habitants ne sont autre chose que des sociabilités inscrites dans la pierre. Des amitiés, des parentés et d’autres affinités qui conditionnement la forme de l’habitat et, à partir d’un certain point, la forme de la ville. A 224 km de Zurich, nous sommes bien placés pour le savoir: les coopératives redessinent une ville plus ouverte, plus accueillante et plus conviviale pour tous, même ceux qui n’y résident pas. Au lieu de chercher à privatiser l’espace public, elles rendent public l’espace privé. 

C’est sur ce point que le thème des coopératives rejoint celui des aires de jeux. Car, là aussi, le clivage entre activités privée et publique s’avère déterminant. Le jeu privé est celui que pratiquent les enfants dans leur chambre devant un écran. Le jeu public est celui qu’ils pratiquent à plusieurs, de préférence dehors, avec ou sans surveillance. 

Aujourd’hui, résister au tout numérique, aux interfaces qui happent les enfants dès le plus jeune âge, se révèle un enjeu de premier ordre, certains diront même vital pour l’avenir. Le deuxième dossier de ce numéro permet donc de mesurer à quel point la façon dont jouent nos enfants préfigure la ville qu’ils habiteront. 

Sans alarmisme et sans fausse détresse, il est bon de prendre la mesure de la ­tendance qui se dessine. La déferlante numérique dans ce domaine est en train de modifier la sociabilité des plus jeunes, à un tel point que l’aire de jeux commence à revêtir une aura nostalgique.

Cette évolution devrait, sinon nous avertir, au moins être sérieusement prise en compte. 

Non pour revenir en arrière, encore moins pour freiner le progrès, mais pour chercher et trouver des nouvelles formes d’occupation de l’espace public par les enfants.

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