La gran­de ar­che 

Dans ce roman, Laurence Cossé part à la recherche de Johan Otto von Spreckelsen, l’architecte de la Grande Arche de la Défense.

Publikationsdatum
22-04-2016
Revision
27-04-2016

Qui se souvient de Johan Otto von Spreckelsen, l’architecte de la Grande Arche de la Défense? Dans son roman, qui tient plus de l’enquête, voire de la quête, Laurence Cossé part à la recherche de ce «grand danois», mort avant d’avoir vu se réaliser son œuvre, qu’il avait pris soin de désavouer en cours de chantier. A travers le drame de sa vie, l’auteur évoque un temps révolu où l’anonymat des concours était une règle respectée, où personne ne se préoccupait de connaître le chiffre d’affaires ni même les références des candidats, où Mitterrand lui-même avait le dernier mot pour désigner son poulain.

C’est ainsi qu’en 1982 fut choisi Spreckelsen, architecte danois auteur de quatre églises (deux catholiques, deux protestantes), associé à Erik Reitzel, ingénieur, parmi les 424 agences d’architecture ayant remis leurs esquisses lors du concours international organisé pour la construction de l’Arche. Son dessin si pur, donnant enfin un peu de sens, de perspective, de majesté très composée à ce grand marché de la tour de bureau qu’est la Défense, ne pouvait que séduire Mitterrand, qui y aurait vu, selon les dires de l’architecte, «une correspondance avec ses propres idéaux».

S’engage alors entre le concepteur et le président une relation de confiance. Mitterrand s’attache, «touché à l’âme» par l’Arche. Dans son bureau de l’Elysée, il se fait présenter par Spreckelsen un échantillon du marbre qui couvrira les portiques en biseau. Plus tard, dans ce même bureau, le président tranchera, contre l’avis des experts: pas besoin de traiter ce marbre, il perdrait sa patine naturelle. Fait du Prince. L’architecte pense alors qu’il «faudra attendre des centaines d’années au moins avant de voir des dégâts sur le marbre». La suite est connue. Moins de trente ans après, les dalles de la façade, abîmées par l’usure du temps et l’acidité de l’air de Paris, sont patiemment démontées et remplacées par du granit, qu’on imagine traité.   

Sur les traces du danois dont on sait peu de choses, Laurence Cossé visite ses églises, y décèle ce qu’il a mis dans son Arche : pureté, simplicité, goût du détail, maîtrise. Elle rencontre ceux qui le connaissaient, cherche à entrer en contact avec sa femme, en vain. Au fil de son enquête très documentée se construit la figure de Spreckelsen autant que les pratiques de la France aménageuse des années 80, à travers la confrontation des idéaux d’un architecte – artisan et d’une machine de guerre admnistrativo-technico-financière française qui, de désillusions en trahisons, le conduira à la démission et peut-être à la mort.

Références

 

La grande arche, Laurence Cossé
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 07-01-2016 
368 pages
CHF 30.90

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