Ha­bi­tat-Jar­din : tout et son con­trai­re

Eugène a flâné à la grande foire de l’habitat lausannoise

Publikationsdatum
01-04-2015
Revision
10-11-2015

Voilà bien dix ans que je n’ai plus mis un pied à MCH Beaulieu pour visiter une quelconque manifestation. Par curiosité, cette année je débarque à Habitat-Jardin. A la place de l’ex-future tour de 80 mètres, une petite forêt ridicule de palmiers en pot. «Lausanne mérite mieux que ça», répétaient les opposants à la tour Taoua. Visiblement, «ça» ça ne les dérange pas.
Selon la presse locale (lire 24 heures du 12.03.15), à Habitat-Jardin, quatre visiteurs sur cinq sont des propriétaires avec un projet de transformation en tête. Etant moi-même propriétaire en PPE et connaissant donc les joies infinies de participer aux frais de rénovation du toit et de la chaudière, je n’ai plus un sou pour acheter quoi que ce soit. A Habitat-Jardin, je suis un pur flâneur. Comment organiser ma visite? Que voir en premier?
Juste après l’entrée, je tombe sur Art&Formes, un salon de 400 m2 réunissant des artistes contemporains et des designers romands. Un concept qui existe depuis six ans. Parmi les peintres, sculpteurs et photographes, je découvre Jacqueline Rommerts. Ses tableaux interactifs nommés The sound of the soul, composés d’assiettes en porcelaine, intriguent le visiteur. A l’aide d’un petit marteau, on frappe une assiette. En posant un casque sur les oreilles, on suit le son qui passe d’une assiette à l’autre, se mélange, disparaît et revient. Car Jacqueline Rommerts a fait appel à un artiste du son, Malu Peeters. Celle-ci a logé un petit logiciel derrière le tableau. L’appareil malaxe les sons. The sound of the soul transcende la bonne vieille assiette en porcelaine. Pour m’amuser, je cherche dans le salon l’exacte antithèse à cette œuvre. Bang & Olufsen bien sûr ! Leur stand est hérissé d’objets lisses, métalliques et hermétiques. Fétiches high-tech.
Et si j’en faisais une règle de promenade? La règle dirait: pour chaque stand visité, il faut trouver son antithèse. 
Je m’arrête chez le fabricant de piscines minimalistes Dade Design. Un bassin en béton de forme carrée, ultra sobre. Surface de l’eau lisse comme une plaque d’acier. L’exact opposé de Dade Design? La bonne vieille fontaine en pierre de nos villages! Si, elle se trouve au salon: pour 16 000 francs, l’entreprise Brunnen-Paradies, basée dans la banlieue d’Aarau, dépose chez vous ce parangon de la tradition. «Du solide. Les enfants de vos enfants y tremperont encore les mains», me résume l’exposant.
Je continue. J’arrive chez Four Abois. Des fours à pain ou à pizza en forme de maisonnette d’un mètre carré, à installer dans votre jardin. Offre spéciale: pour 3150 francs, l’engin atterrit chez vous (le châssis métallique sur lequel repose la petite maison est offert si vous passez commande avant la fin du salon). Je souris et je pars à la recherche de son antithèse. Là, je galère un moment. Puis l’évidence s’impose: le nouveau four Combisteam d’Electrolux, alliant vapeur et chaleur traditionnelle! L’exposant baratine une dame à manteau beige: «La moitié des chef étoilés d’Europe travaille avec Electrolux. Nous sommes la Rolls Royce des cuisinistes.» On nage en pleine métaphore à Habitat-Jardin…
Juste à côté, j’avise une immense table, digne de Gargantua. Le plateau est en chêne massif avec l’écorce apparente sur les bords. Sous la table, une dizaine de chaises design ont pris place. Ça ne passe pas inaperçu! Sur le même stand, les enfants sont invités à couvrir d’autocollants les murs jaunes d’une chambre. Un petit parcours de mini-golf est également proposé. Bienvenue chez Studio Renens! Diplômés de l’ECAL, ils ont été mandatés par le salon pour proposer un espace décalé avec bar à café. Les visiteurs en profitent et les exposants aussi, en y amenant un client pour discuter. L’antithèse de ce stand où on joue, on rigole et on n’achète rien? A bien y réfléchir, c’est tout le salon.
A Habitat-Jardin, on trouve tout et son contraire.

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