Fun­da­men­tals

Pour la première fois, les pavillons nationaux de la Biennale d’architecture de Venise ont dû, selon la volonté du commissaire Rem Koolhaas, être conçus en regard d'une thématique globale: un siècle de modernisme.

Publikationsdatum
18-06-2014
Revision
18-10-2015

L’ouverture de la 14e Biennale d’architecture de Venise, samedi 7 juin, n’aura pas déçu ceux qui attendaient une manifestation imprégnée d’esprit critique. A l’instar de son directeur Rem Koolhaas, cette cession semble déborder de cette envie d’analyser et de faire comprendre l’architecture sous tous ses angles. 

Le terrible Néerlandais ne s’est pas juste contenté de produire une exposition tonique dans les parties communes de la biennale. Il a aussi su mener pour la première fois les pavillons nationaux dans la direction qu’il souhaitait. Le résultat est l’émergence d’une véritable thématique, d’un langage qui traverse la biennale de part en part : il consiste à décrypter les idées, analyser les concepts et les rapports de force qui structurent la pensée moderne de ses débuts à nos jours.

Certaines contributions sont plus historiques, essayant d’apporter un éclairage nouveau sur des questions de patrimoine moderne. D’autres encore s’efforcent de dégager les lignes communes : trouver le fil rouge qui va de l’émergence du moderne jusqu’à notre époque : celle de la recomposition virtuelle du monde.

Du pavillon suisse consacré à ces deux grands visionnaires que sont Cedric Price et Lucius Burckhardt, au pavillon coréen réunifié mais certainement pas pacifié, du pavillon israélien qui met en scène d’étranges machines kafkaïennes au pavillon français qui se demande si la modernité est plus utopique que dystopique, la biennale offre encore une fois un panorama très riche de la création intellectuelle et architecturale.

Ce que vous n’y verrez pas, c’est l’architecture « bling-bling » qui prolifère là où abonde l’argent, l’architecture de stars de bon ou de mauvais goût, l’architecture qui ressasse la durabilité comme un mantra mal compris. 

De quoi cette biennale est elle le signe ?


Rem Koolhaas est de ceux qui n’ont cessé depuis les années 1970 de clamer haut et fort le caractère politique de l’architecture. Un des lieux de manifestation du politique n’étant autre que l’extra architectural, c’est-à-dire le dehors de l’architecture qui en détermine le dedans. 

A cette approche radicale mais cohérente, nombreux sont ceux qui répliquent par un avis de non recevoir. Ces détracteurs soutiennent que si les rapports de force et d’argent qui trament la ville peuvent être politiques, une porte, une poignée ou une fenêtre ne le sont pas. 

C’est précisément à ces matérialistes que répond l’exposition Elements of Architecture présentée au pavillon central. Conçu avec des étudiant de Harvard, le projet déconstruit la vision matérialiste et apolitique en démontrant que chacune des parties d’un bâtiment peut elle aussi appeler une lecture complexe. Quelle peut être la teneur sociologique d’un escalier, la portée métaphysique d’un toit, d’une porte et d’une fenêtre ? La réponse se trouve dans l’exposition ainsi que dans les 15 livrets qui l’accompagnent. 

En exposant un seul projet cohérent dans la partie de la biennale qui porte historiquement le propos du commissaire, Rem Koolhaas se donne les moyens de pousser son raisonnement à ses limites. A tous ceux qui minimisent la portée politique de l’architecture, il démontre que le politique n’est pas que dans les grands axes qui la traversent mais aussi dans chacun des détails qui la constituent. Un numéro spécial conçu en partenariat avec nos collègues de TEC21 sera consacré fin juillet à l’événement.

Verwandte Beiträge