L'EPFL aide à re­vi­ta­li­ser la Sa­rine en aval du bar­rage de Ros­sens

Des chercheurs de l’EPFL ont confirmé la pertinence d’une méthode développée jusqu’ici en laboratoire pour préserver la faune d’une rivière, grâce à un test réalisé à grande échelle en aval du barrage de Rossens (FR). 

Date de publication
25-04-2019

Les cours d’eau situés en contre-bas des barrages ne connaissent pas de crue naturelle. Le débit d’eau est toujours le même. Ainsi, au fil du temps, leur lit se remblaie et s’uniformise. Résultat: les habitats dédiés aux poissons et aux invertébrés sont de piètre qualité et la variété des espèces baisse.

C’était le cas, jusqu’il y a peu, du lit de la Sarine situé en contre-bas du barrage voûte de Rossens (FR). D’une hauteur de 83 mètres et d’une largeur de 320 mètres, le barrage construit en 1948 endigue les eaux de la rivière. Celles-ci forment le lac de La Gruyère.

Contactés par le Groupe E et le Canton de Fribourg avant le déclenchement de la première crue artificielle de l’histoire du barrage, des chercheurs de l’EPFL, en collaboration avec l’Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l’Eau (EAWAG), l’Université de Zurich et la Haute Ecole zurichoise des sciences appliquées (ZHAW), ont eu la chance de tester dans des conditions réelles une hypothèse développée jusqu’ici en laboratoire: l’aménagement de dépôts de sédiments en bordure de rivière avant le passage de la crue serait bénéfique à la faune. Les résultats de leur étude, publiés dans Scientific Reports, indiquent que leur intervention a amélioré la qualité des habitats dédiés à la faune de 36% par rapport à la situation initiale. En comparaison, les autres parties de la rivière n’ont affiché qu’une augmentation de qualité de ces habitats de 18%.

Interventions en 2016

«Notre étude montre que la présence de ces dépôts favorise la diversité de l’écosystème», explique Severin Stähly, premier auteur de l’étude. L’ingénieur vient de terminer son doctorat au Laboratoire de constructions hydrauliques de l’EPFL, dirigé par le professeur honoraire Anton Schleiss. Les chercheurs sont intervenus en 2016, juste avant l’ouverture des vannes qui allaient déverser plus de 9 millions de m3 d’eau dans la Sarine. Sur les bordures de la rivière, les ingénieurs ont construit en alternance et de par et d’autre de la rivière quatre dépôts de sédiments de 250 m3 ; ceux-ci se présentent comme des bancs rectangulaires de 22 m de long, 8 m de large et 1,5 m de haut. Les tests en laboratoire avaient montré que ce type d’intervention augmentait la création d’une morphologie de rivière plus variée après le passage de la crue artificielle. Or, plus les profondeurs d’eau et la vitesse d’écoulement sont variés, plus la faune et la flore prolifèrent.

Les chercheurs auraient pu récolter les 1000 m3 de sédiments en amont de la retenue. Pour limiter les transports, ils ont toutefois décidé de les prélever directement à coté de la Sarine à un endroit spécifique de la rivière qui s’était transformé en forêt, afin de lui faire retrouver son tracé originel.

Suivi de 500 pierres

Les pieds dans l’eau, Severin Stähly a mesuré la mophologie de la rivière avant et après le passage de la crue. Pour ceci, il s’est servi d’un index de référence permettant de mesurer la qualité des habitats d’une rivière en fonction de sa profondeur et de la vitesse d’écoulement de l’eau. L’ingénieur hydraulique a également suivi la trajectoire de près de 500 pierres de même diamètre en moyenne afin de comprendre l’impact des dépôts de sédiment sur leur déplacement. Pour cela, il a dû préalablement insérer dans chacune des pierres un capteur perceptible par ondes radar. Après la crue, le chercheur a parcouru la Sarine mètre par mètre muni d’une antenne pour noter leur emplacement.

Si l’aménagement de dépôts de sédiments dans une rivière a prouvé sa pertinence, d’autres inconnues demeurent: «Afin d’affiner nos recherches, nous aurions besoin de nouvelles études à grande échelle comme celle-ci accompagnées d’un constant monitoring de la rivière», précise Severin Stähly. Les résultats de l’EPFL ont toutefois déjà suscité l’intérêt d’acteurs du domaine à l’occasion de deux conférences internationales.

Cette étude a été menée dans le cadre du Programme national de recherche 70 «Virage énergétique» du Fonds National Suisse.

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