Ent­re lit et ca­ge d'es­ca­lier

Les dix ans écoulés depuis l’arrivée de l’iPhone sur le marché ont vu une transformation accélérée du monde du travail. Une période durant laquelle le département Technique & Architecture de la Haute école de Lucerne a mené de nombreux projets analysant l’impact de cette mutation sur l’environnement de bureau réel et sur les formes d’aménagement.

Publikationsdatum
23-10-2017
Revision
24-10-2017

Il ne se passe guère de jour sans qu’un article de presse n’aborde le sujet des nouveaux environnements professionnels, souvent associé aux dernières recherches en matière d’organisation du travail, de promotion de l’innovation et d’agencement de bureaux. Aucun autre domaine du quotidien ne semble davantage scruté que ce qu’il est convenu d’appeler «l’avenir du travail». Or les thèses reprises par les médias s’avèrent parfois hautement contradictoires, notamment lorsqu’il est question de travail à domicile: tandis que les uns affirment que travailler chez soi libère la créativité, d’autres mettent en garde contre la désocialisation et une anonymisation croissante et signalent une augmentation des cas de patholologies liées à la perte des repères. L’experience montre que la complexité du «New Way of Working» oblige de reconsidérer tous les aprioris. La réponse adéquate, entre innovation et conservatisme, réside plutôt dans une approche globale, qui intègre les activités, les technologies, les processus et la culture propres à une entreprise, ainsi que les exigences liées à l’environnement de travail.

Concurrence pour le siège administratif


Les mutations touchant le monde du travail sont attribuées à l’importance croissante du secteur des services et des prestations de nature intellectuelle, ainsi qu’à la exibilité spatio-temporelle qu’autorisent les outils numériques.
Le siège d’entreprise traditionnel se voit ainsi de plus en plus concurrencé par des lieux de travail alternatifs, tels que le domicile, les bureaux détachés ou les espaces partagés. Ceux-ci intéressent déjà les entreprises: elles conjecturent que le réseautage de leurs collaborateurs avec d’autres sociétés et personnes dans ces nouveaux cadres générera de nouvelles idées pour leurs propres activités. Des vides se créent ainsi dans les anciens locaux administratifs, qui motivent une réduction des surfaces et des aménagements non-territoriaux. De telles mesures doivent cependant placer l’optimisation de l’espace et la qualité avant la rentabilité, afin que le bureau demeure attrayant pour le personnel, qu’il favorise la productivité et qu’il réponde aux besoins des différentes générations qui s’y côtoient.
En dépit ou en raison de la numérisation croissante des processus, l’importance de la communication directe et du travail en équipe est davantage reconnue. En particulier face à la complexification des tâches, la collaboration, les échanges et les rencontres sont des facteurs de succès essentiels pour les entreprises.

Mise en espaces de la communication

 
Une étude affirme qu’aujourd’hui déjà 46% du temps de travail au bureau est consacré à des activités communicatives et 35 % au travail en équipe et à la gestion de projets. La spatialisation et l’organisation des échanges et de la collaboration sont donc appelées à devenir des critères primordiaux pour la conception de bureaux. Dans cette perspective, les bureaux répartis à la verticale sur plusieurs étages constituent un défi particulier, car il est établi que les contacts personnels diminuent drastiquement avec l’augmentation des distances. Il s’agit donc autant que possible de prévoir des cages d’escaliers ouvertes et des raccourcis internes pour permettre le contact visuel et des liaisons rapides entre les étages.
Un projet de recherche du département Technique & Architecture de la Haute école de Lucerne a porté sur l’agencement idéal des lieux de rencontres spontanées et des espaces pour le travail en groupe dans un immeuble tour afin de favoriser la communication entre les étages. Les résultats montrent que les locaux destinés au travail en groupe et les lieux d’échanges informels devaient être décentralisés et répartis à différents étages indépendamment des délimitations d’équipes ou de départements. Une offre variée d’équipements ou de taille des locaux pousse ainsi les collaborateurs à circuler entre les étages, créant des occasions de contacts entre équipes.

Le bureau se trouve là où l’on travaille


Les avancées de la numérisation vont continuer à moduler et accélérer la transformation du monde professionnel. La mobilité et la flexibilité du travail continueront à croître, tandis que le nombre de bureaux attribués se réduira encore. Les employés s’appuieront sur des systèmes de réservation hébergés dans le cloud pour chercher une place de travail libre ou localiser des collègues. Ils peuvent déjà vérifier depuis chez eux si le local individuel ou la salle de conférence dont ils ont besoin est disponible et s’il vaut donc la peine de se rendre au bureau. En matière de communication, ce qu’on appelle les réunions «Remote face to face», avec projection en 3D de l’image des participants, devraient contribuer à améliorer la qualité des vidéoconférences actuelles.
La collaboration et les échanges informels n’en continueront pas moins à influencer de manière notable l’agencement des surfaces de bureaux, ne serait-ce qu’en raison du rôle assumé par le siège social dans l’identité d’une entreprise et du soutien que les employés en attendent pour l’exécution de leurs tâches.

PROF. SIBYLLA AMSTUTZ, directrice du groupe de recherche en architecture intérieure de la Haute école de Lucerne – département Technique & Architecture