Di­stant Ci­ty

Editorial paru dans Tracés n°11/2013

Publikationsdatum
11-06-2013
Revision
10-11-2015

Le 27 mai, l’Ouest lausannois fut le théâtre d’une étrange concomitance. Simultanément, à des endroits différents, deux architectes de renom ont tenu, sans le savoir, des propos complémentaires. Au Learning Center, dans un amphithéâtre rempli, Peter Cook, membre fondateur d’Archigram, donnait une conférence extraordinaire sur sa pratique architecturale et sa vision de la ville. 
A 3.4 km de là, à l’Ecal, dans une salle tout aussi pleine, Bernard Tschumi participait à une table ronde sur les nouveaux musées et le mécénat. On pouvait y entendre des élus renouveler leur vœux d’allégeance au projet de pôle muséal, des mécènes clamer avec insolence leur droit de faire ce que bon leur semble de leur argent et des directeurs de musées détailler des montages financiers complexes. Seul bémol dans ce concert de bonnes volontés, l’avertissement de Bernard Tschumi, à savoir qu’il faudra plus que des intentions honorables pour faire un bon musée. 
Lausanne a un projet architectural qui vaut ce qu’il vaut, une collection enviable mais très incomplète, un site remarquable, des mécènes enthousiastes et, pour terminer, des directeurs prêts à sacrifier leurs très belles institutions (MUDAC, Musée de l’Elysée) pour créer un pôle digne de ce nom. Normalement, ça devrait marcher : tous les ingrédients semblent réunis.
Eh bien, selon Bernard Tschumi, cela risque de ne pas suffire, tout simplement parce qu’il manque l’étincelle, le souffle qui va permettre de dépasser ce qui est déjà acquis pour construire quelque chose de radicalement nouveau. Le MCBA risque de pécher par manque d’ambition. 
Au final, les réserves de Bernard Tschumi ne concernent pas la sobriété architecturale du projet, mais l’absence de vision quant au rôle du pôle muséal. Le MCBA est tout au plus décrit comme un écrin qui va attirer des collectionneurs en les amenant à léguer leurs œuvres. Une politique d’acquisition digne d’un coup de poker. L’envie d’éternité de quelques collectionneurs fortunés serait-elle une fin en soi ? Une collection n’a de sens que quand elle fait partie d’un projet culturel englobant. Faire de Lausanne le pôle mondial de Vallotton ne suffira pas. 
Pendant ce temps, Peter Cook exposait la réponse au scepticisme justifié de Bernard Tschumi. Instant City, le projet mythique d’une infiltration créative d’une ville, incarne tout ce que le MCBA peine à cristalliser : les forces vives non plus pour faire un beau musée, mais bel et bien pour changer toute une ville. On ne fait pas un musée réussi juste en souhaitant un beau musée. Par contre, on peut faire un pôle culturel réussi en changeant le rapport qu’entretiennent les habitants avec leur ville : telle est la leçon d’Archigram. Le Centre Pompidou de Piano et Rogers, la nouvelle Tate d’Herzog et de Meuron, le nouveau musée de l’Acropole de Tschumi sont des exemples de musées qui ont su dépasser le cadre pour lequel ils ont été créés. Le MCBA aura besoin de ce grain de folie pour atteindre ce à quoi il aspire.

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