Dieu est dans l’air

Editorial paru dans Tracés n°11/2015

Publikationsdatum
03-06-2015
Revision
10-11-2015

La structure gonflable dressée pendant le week-end de Pentecôte à la place de la Riponne, à Lausanne, avait cela d’attrayant qu’elle donnait corps, dans un premier temps, au mythe de l’urbanisme instantané. Ce récit optimiste et naïf, brassant Archigram, Hans-Walter Müller et le collectif Aérolande, qui présuppose qu’un dispositif ouvert et léger soit forcément vecteur d’humanisme et de progrès.

L’idéal d’une Cité dans laquelle la joie d’être ensemble puisse jaillir instantanément et se manifester par des constructions légères a vite fait de se dissiper quand j’ai constaté que la structure en question était commanditée par une communauté religieuse. 

La plus grande église gonflable de Suisse ! En s’approchant, on était rapidement pris d’assaut par des missionnaires prêchant la bonne parole. Un jeune homme annonçait avec emphase l’urgence de regrouper le peuple juif en Israël, pour que la fin du monde et le retour du messie puissent enfin advenir. Il justifiait sa position extravagante par une interprétation littérale des Saintes Ecritures. Sa collègue, assurée du bien-fondé de son propos telle une maîtresse d’école, poursuivit en fustigeant l’avortement et les rapports sexuels pré-maritaux. Le tout était noyé dans un mélange indigeste de country et de rock à la gloire de Jésus. 

Il me fallut quelques jours pour comprendre ce que cette expérience incongrue avait provoqué. Le fait de voir un idéal intime, celui de l’urbanisme instantané, transformé en support d’un discours prosélyte, littéral et dépourvu de raison, fut une désillusion. L’antécédent social, ouvert et éclairé de certaines architectures gonflables, ne garantissait pas un usage intelligent à toute architecture remplie d’air. Bien au contraire.

J’ai cherché à connaître la position de la Ville de Lausanne. Savoir si la structure était parrainée par elle, et si les inepties qu’on pouvait y entendre étaient représentatives de sa politique en matière de civisme et de liberté d’expression. Je n’ai reçu à ce jour aucune réponse.

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