Dé­b­att­re d'un fu­tur ur­bain dura­ble

Compte-rendu du débat de la sixième édition du Forum Ecoparc

Organisé dans le cadre des festivités associées au millénaire de la ville de Neuchâtel, le débat public et citoyen fait suite à une journée et demie de conférences. Modéré par le journaliste de la RSR Joël Marchetti, le débat de la table-ronde a soulevé des discussions autour des limites territoriales de l’expansion urbaine, de l’équilibre à atteindre entre une politique du logement et une politique environnementale, de la pression démographique et immobilière et enfin de la densification.

Publikationsdatum
09-01-2012
Revision
19-08-2015

A la question de Joël Marchetti sur la façon de densifier la ville de Neuchâtel et la manière de répondre aux demandes immobilières induites par le pôle économique de la ville, Fabien Coquillat, architecte communal adjoint de Neuchâtel, insiste sur la nécessité de lutter contre l’étalement urbain et le gaspillage du sol. La densification est incontournable. Mais, pour lui, densifier ne se résume pas à un indice d’utilisation du sol. La densification doit être accompagnée par une réflexion sur la qualité du bâti et des espaces publics. Il faut porter une attention particulière aux interstices non-bâties qui permettent, si elles sont de valeur, de mieux vivre la densification. Pour Yann Sunier, directeur de la Chambre immobilière neuchâteloise, le territoire du Canton de Neuchâtel a pour l’instant été utilisé de manière rationnelle et intelligente. L’enjeu est de garantir une mixité sociale et fonctionnelle entre les zones de bureaux, de loisirs et d’habitats. La secrétaire du WWF, Sylvie Barbalat, abonde dans ce sens. L’insertion de la ville de Neuchâtel entre la forêt et le lac en fait, pour la naturaliste, une ville particulièrement agréable. Il est essentiel d’utiliser toutes les possibilités de densification à l’intérieur du territoire actuel de la ville et d’éviter l’étalement de l’habitat sur la franche forestière. Des propositions comme la création du parc périurbain présentée par Blaise Mulhauser sont des barrières intéressantes contre l’étalement urbain. 
Joël Marchetti soulève ensuite la judicieuse question de la compatibilité entre une ville qui désire protéger sa forêt – une grande zone naturelle – et un canton qui doit profiler son chef-lieu comme le pôle urbain cantonal nécessitant de nouvelles constructions. Le chef du service cantonal de l’aménagement du territoire Dominique Bourquin n’y voit pas de contradiction. Aujourd’hui, le canton de Neuchâtel compte 170 000 habitants. La projection la plus optimiste évalue la croissance démographique à 30 000 nouveaux habitants d’ici à 2040, soit un total de 200 000 personnes. Une évaluation, faite pour le dernier plan directeur cantonal, des possibilités de densification sur des terrains constructibles entièrement disponibles dans le canton (sans prendre en compte les terrains partiellement libres), chiffre entre 30 000 et 40 000 nouveaux habitants, la capacité d’accueil de ces terrains. A l’échelle de la commune de Neuchâtel, on prévoit 10 000 nouveaux habitants d’ici à 2040, et la possibilité d’accueil des terrains entièrement libres s’élève à 2 000 personnes et à 8 000 pour les terrains partiellement libres. Selon ces hypothèses, Neuchâtel devrait pouvoir répondre à la croissance démographique prévue, à condition toutefois que les autorités réussissent à convaincre les propriétaires fonciers de mettre leurs terrains à disposition. La densification va donc nécessiter des exercices de planification complémentaires. 
Pour Sylvie Barbalat, la solution doit passer par l’adaptation des logements aux nouvelles caractéristiques sociologiques des structures familiales d’aujourd’hui. En 1980, la surface habitable par personne était de 34 m2 contre 50 m2 actuellement. A cette croissance viennent s’ajouter celles des ménages monoparentaux et des personnes âgées vivant seules. Ces situations, pour la secrétaire du WWF ainsi que pour l’architecte communal adjoint, ne sont pas viables à long terme. De nouvelles typologies doivent être trouvées et les anciens logements adaptés à ces mutations sociologiques profondes. 
La densification est également un sujet de préoccupation pour le public qui pose la question du choix de l’emplacement de la densification. En effet, une personne du public soulève la volonté des autorités de densifier dans des quartiers qui le sont déjà fortement et d’épargner les zones villas qui ont un indice de densification faible (0,25 contre 2 pour le centre ville). Dans le débat actuel sur les agglomérations, si l’on souhaite répondre à la croissance démographique, n’est-il pas temps de penser à changer le règlement des zones et augmenter l’indice de densification des zones villas ? Des immeubles moyens de trois ou quatre étages ne détérioreraient pas la qualité de vie des quartiers de villas et permettraient de désengorger, d’amoindrir la pression immobilière sur les quartiers du centre urbain et de développer des espaces publics. Dominique Bourquin, tout en approuvant la remarque, insiste sur le fait que l’objectif principal des autorités est de faire usage des biens-fonds disponibles sans songer pour l’instant à modifier les indices de densification des zones. Pour Daniele Oppizzi, président des associations de quartier du Mail et de la Maladière, la densification est partout possible à condition de donner aux habitants des garanties de qualité, des valeurs et un processus d’appropriation des projets urbains et architecturaux. La participation et la construction de quartiers durables sont deux façons d’y parvenir. Le quartier Vauban à Fribourg-en-Brisgau est un exemple en la matière. 

Le citoyen et la durabilité

Ces deux thématiques – la participation et le développement durable – sont les autres sujets de préoccupation du public. La question sur la participation s’intéresse à la manière dont la population peut s’approprier le développement de la ville aux outils mis en place par les autorités pour faciliter cette dernière. Fabien Coquillat constate un changement au niveau même de l’intérêt porté au développement urbain de Neuchâtel. En 1994, les séances de présentation à la population du plan directeur communal rencontraient un succès très relatif. Aujourd’hui, plusieurs projets d’urbanisme à Neuchâtel ont entamé des processus participatifs qui rencontrent de l’intérêt auprès des habitants. Le projet de Microcity, qui accueillera en 2013 le centre de microtechnique de l’EPFL, et le projet de quartier durable à Vieux-Châtel en sont deux bons exemples. 
Il a noté également un dialogue assidu entre les autorités et la population lors de la mise en consultation de plans de quartier. Il y a une réelle évolution de l’intérêt de la population et donc de la manière de faire de l’urbanisme. A l’époque, les logiques en place étaient celles de la confrontation et du face-à-face, actuellement l’heure est à la participation et à la recherche commune de solutions. Concernant le développement de projet de quartier durable, l’intervention du public s’interroge de l’intérêt des investisseurs privés pour ce type de réalisation. Pour Yann Sunier, il existe. Pour preuve il donne l’exemple de deux projets privés : l’un proche de Serrières, malheureusement bloqué par des oppositions et, plus haut dans le canton, la construction de huit maisons passives. Fabien Coquillat, à l’inverse, est moins optimiste. Il pense que le mode de production industrielle du bâtiment, l’économie de la construction et le mode de vie des habitants du canton ne permettent pas de compter à court terme sur réel intérêt du privé pour le développement d’écoquartiers à Neuchâtel. L’impulsion devra venir des collectivités publiques, notamment par la mise à disposition de terrains sous certaines conditions à des investisseurs privés.

La participation, volonté partagée

Lors de son intervention, Jean-Pierre Jelmini, historien et ancien conservateur des archives et du Musée historique de la ville de Neuchâtel, a décrit les grandes évolutions urbanistiques de la ville du 12e au 19e siècles. Elles se sont réalisées en gagnant du terrain sur la forêt, les terres arables et en avançant – parfois de manière artificielle – sur le lac. Les débats de la table-ronde ont montré que les solutions recherchées aujourd’hui pour le développement de la ville se concentrent plutôt à l’intérieur des terres déjà colonisées par l’habitat afin de « construire la ville en ville ». Les discussions et interventions de la matinée ont également souligné l’importance des démarches participatives pour les citoyens. Elena Havlicek, directrice de la Formation ECOFOC à Université de Neuchâtel, a d’ailleurs montré comment, en considérant la ville ou le quartier comme un éco-système et par des démarches participatives, il était possible de dégager les zones d’entente et de divergence entre tous les acteurs impliqués (autorités, associations de quartier, promoteurs, etc.) afin de trouver des solutions communes. Cette volonté participative est aussi souhaitée par les autorités, comme l’a souligné le conseiller communal Olivier Arni dans son allocution. 

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