Dé­bat Mi­ner­gie

Plusieurs réactions nous sont parvenues suite à l’article "Lowtech versus Hightech" paru dans "TRACÉS" n° 21/12. Suite et fin du débat avec la réponse de Pierre Frey.

Publikationsdatum
13-12-2012
Revision
01-09-2015

Les deux réactions publiées par Tracés sont sans surprise : des ratiocinations de spécialistes sur des points de détail. On discute la couleur, la nomenclature et on reste vaillament hors du véritable sujet. Mon encadré l’avait pourtant formulé clairement : il existe des alternatives aussi performantes, voire plus performantes aux techniques majoritairement mises en œuvre pour complaire au standard Minergie. Ces alternatives reposent sur la quantité et la qualité de la main d’œuvre qui produit le bâtiment.
Markus Mosimann et Marc Lettau administrent la preuve, et c’est l’essentiel de leur propos, que le « savoir de trente ans » de monsieur Roulet est erroné, est dépassé, faux. Il n’existe aucune fatalité suivant laquelle construire de manière efficace en termes d’isolation nécessite une débauche de matériaux. Leur agencement, leur mise en œuvre peuvent être optimisés et leur quantité réduite.
La preuve du caractère spécieux et orienté de ce qui est calculé (pris en compte) dans l’évaluation des constructions prétendant au standard Minergie a été apportée de manière éclatante par les tests effectués pendant les deux premières années d’exploitation de la crèche construite par Pierre-Alain Dupraz à Genève, dans le quartier de Saint-Jean. Ce bâtiment, en grande partie enterré, présente en effet des performances mesurées massivement plus intéressantes que les calculs théoriques correspondant aux moyens techniques mis en œuvre pour satisfaire au standard Minergie. Pourquoi ? Comme l’avait exposé en son temps l’ingénieur thermicien Olivier Barde (1926-2001), les normes et standards négligent fortement l’importance de l’inertie thermique du milieu et tiennent compte surtout des performances des matériaux dont elles prescrivent la mise en œuvre. Dans le cas de cette construction, en ne tenant aucun compte de l’inertie du sol encaissant, on a prescrit une masse d’isolant superflu. 
En termes de chiffre d’affaire, cela suit une logique implaquable : vous payez un maximum les matériaux que je vous recommande ; en retour, je vous calcule ce que votre oreille et votre bourse veulent entendre. Peu importe s’il existe des moyens plus avantageux ou plus légers en termes d’impact environnemental pour y parvenir. Du moment que je ne peux pas en faire le commerce, où est l’intérêt ?
C’est ainsi que se pose la véritable question. Minergie comme standard privé est devenu un moyen de promotion, une véritable idéologie, tendant à imposer sur le marché un certain nombre de produits techniques, alors que ceux-ci n’ont en aucune façon le monopole de la vertu en matière d’impact environnemental.

Pierre Frey
Historien de l’art, Professeur

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