Cad­re de vie

Éditorial paru dans Tracés n°1/2012

Publikationsdatum
16-01-2012
Revision
19-08-2015

Dans son décryptage de l’ère moderne telle qu’elle se constitue progressivement à partir du 19?e siècle, Michel Foucault insiste sur la vocation normalisatrice de certaines typologies. L’architecture spécifique des hôpitaux, des prisons ou des écoles traduit une nouvelle façon d’exercer le pouvoir reposant sur un conditionnement de la vie des individus.  
L’espace domestique n’échappe pas à ce travail sur les corps. L’industrialisation de l’Europe va générer un nouveau type de logement familial, plus fonctionnel, plus économe et surtout massivement reproductible.
Le recours à des typologies standards vise tout d’abord à améliorer les conditions de vie en permettant la construction rapide de logements sains pour les nouveaux habitants des villes. En même temps, elles cherchent à encadrer cette classe laborieuse dont la solidarité et les élans collectifs sont perçus comme des menaces d’ordre politique. L’abandon de la cuisine collective en est un exemple : très répandue au 19?e siècle, la cuisine de palier, commune à plusieurs appartements, va progressivement être remplacée par la cuisine familiale, forcément moins conviviale. Le cloisonnement social de l’ouvrier passe par l’établissement d’un cadre de vie indépendant, axé autour de sa famille. Cette domestication comporte des impératifs liés au maintien de l’ordre public. L’hygiénisme de cette époque n’a pas pour seul but la santé publique. Il vise aussi à réprimer les ardeurs collectives et potentiellement révolutionnaires.  
Si tout cela nous paraît aujourd’hui lointain, il n’est pas vain de transposer la méthode scrutatrice de Foucault à nos propres intérieurs : de quels impératifs économiques et sociaux les typologies actuelles sont-elles le signe ?
Et surtout, comment l’ère numérique, et notamment l’apparition d’une ou plusieurs fenêtres virtuelles dans chaque foyer, vient-elle modifier la règle du jeu ? 

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