Bé­ton pour tous

Éditorial de Tracés n°12/2011

Publikationsdatum
04-01-2012
Revision
19-08-2015

Le béton a mauvaise réputation. On parle très souvent de bétonnage du territoire, de son aspect terne et de ses effets néfastes pour l’environnement. Cependant une série de fausses idées colle à ce matériau. La première – peut-être la plus importante à faire voler en éclats – pose le béton comme un matériau très polluant. Les articles de ce numéro soulignent avec insistance que si le béton pollue bel et bien, il n’est certes pas le pire des matériaux. Le kilogramme équivalent CO2du béton – à savoir la quantité de gaz à effet de serre convertie en dioxyde de carbone émise lors de sa production, de sa distribution et de sa consommation – n’est de loin pas le plus élevé. Selon une étude de l’université de Bath publiée en 2011 (www.bath.ac.uk/mech-eng/sert/embodied), le kilogramme équivalent CO2 du béton à base de ciment Portland (le plus commun) s’élève à 0,107 contre 12,79 pour l’aluminium vierge, 3,31 pour le plastique ou encore 2,89 pour l’acier vierge. 
Le propos n’est pas de nier l’impact écologique du béton, responsable de 5-8 % des émissions de CO2 pouvant être imputées à l’homme, mais bien de souligner que le problème réside dans la quantité de béton utilisée et non pas dans les qualités intrinsèques de ce dernier. En effet, cette quantité ne cesse d’augmenter. Chaque année est produit 1,5 m3 de béton par habitant, soit l’équivalent d’environ 700 000 terrains de football bétonnés sur une hauteur de deux mètres, ou de 3 934 pyramides de Giseh. Son coût très bas, comme son abondance, en font le matériau de construction le plus démocratique et donc le plus utilisé dans le monde. Selon les prédictions, la production devrait encore doubler d’ici 40 ans pour répondre à la demande croissante des pays émergents et en développement.
La problématique du béton et ces prédictions permettent de tisser plusieurs liens avec la mondialisation et éclairent par ailleurs le rapport ambigu que nous entretenons avec elle : comme bien des phénomènes liés à cette dernière, le béton est souvent pointé du doigt lorsque la demande et la consommation élevée des « Autres », des pays émergents comme la Chine ou l’Inde, dans une volonté légitime de rattrapage, devient un problème. Cette demande croissante, par un phénomène de miroir, questionne notre propre consommation de béton. 
Réduire aujourd’hui l’utilisation du béton serait illusoire. Mais il est possible d’améliorer ses performances CO2 et la solution viendra peut-être de la science. Les recherches présentées dans ce numéro, menées entre l’EPFL et l’université cubaine de Las Villas – mondialisation scientifique oblige – se penchent sur le versant chimique de la composition du béton et proposent des solutions concrètes pour diminuer son impact écologique. En substituant partiellement au clinker, dans la composition du ciment, des matériaux trouvés à l’échelle locale, ces recherches permettent de baisser de manière significative le taux d’émission de CO2, influençant également de manière positive le coût environnemental lié au transport.?
Le local répond, une fois de plus, aux problèmes posés par la mondialisation...

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