Aver­tis­se­ments bâ­tis

Éditorial paru dans Tracés n°4/2012

Publikationsdatum
29-02-2012
Revision
19-08-2015

Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis que les grandes puissances coloniales européennes ont renoncé à leurs empires respectifs. En quelques décennies, la France et la Grande-Bretagne se sont retirées de la plupart des territoires qu’elles occupaient depuis le 19?e siècle. 
Le colonialisme n’est pas pour autant une affaire révolue. Ce système que nous pensions dépassé, persiste et refait surface sous deux aspects différents. Il y a tout d’abord les nouveaux empires qui sont venus remplacer les anciens. A l’impérialisme européen (britannique, espagnol, français), s’est substitué  au 20?e siècle celui des Etats-Unis, et bientôt celui de la Chine.
Le deuxième aspect de cette résurgence est plus complexe. Il concerne la façon dont les sociétés postcoloniales perpétuent des usages et des inégalités instaurées par les régimes coloniaux. Un peu comme la postmodernité qui ne cesse de revenir au moderne, ces sociétés restent ancrées et dépendantes d’un état d’esprit qui leur a été imposé et dont elles ne peuvent se défaire. Cette persistance, sorte de retour du refoulé, n’est pas seulement la fatalité des peuples conquis. Elle est aussi le résultat d’un entêtement de certaines sociétés dominantes à sous-estimer l’ampleur et la gravité des faits qui leur sont imputés.
Ainsi, la France s’obstine à ne voir que du bien dans ses deux siècles de conquête planétaire. Quant aux Etats-Unis, ils persistent à nier que leur omniprésence mondiale puisse constituer une forme de colonialisme.
Dans ce contexte généralisé de déformation de l’histoire (l’ex-colon nie, l’ex-colonisé veut tourner la page), l’héritage architectural colonial peut fonctionner comme pierre d’achoppement aux dérives néocoloniales. Certains bâtiments sont des rappels. La question qui se pose alors est de savoir si les traces d’une domination déchue pourraient constituer un obstacle pour les dominations à venir ?

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