At­las of the Func­tion­al Ci­ty

Le gta Verlag de Zurich consacre un ouvrage remarquable sur le quatrième CIAM

Publikationsdatum
10-12-2014
Revision
25-10-2015

Le quatrième CIAM est resté dans l’Histoire comme l’assemblée qui permit d’établir les principes du fonctionnalisme. Archive exhaustive d’un tournant de l’architecture moderne, l’ouvrage édité par le gta de Zurich lui est entièrement consacré.
De Marseille à Athènes, à bord du navire Patris II, 34 villes vont être exposées, décortiquées et débattues par les conférenciers des 16 pays participants. Deux ans plus tôt, à Berlin avaient été fixés les principes cartographiques et scientifiques communs qui allaient permettre une analyse comparée des 34 cas distincts. Car l’objectif de ce congrès n’était pas juste de documenter des villes, mais aussi de définir une trame de lecture commune afin d’en déduire des critères génériques. L’innovation du CIAM IV repose bien sur cet effort pour rendre interchangeables des situations urbaines particulières, différentes les unes des autres. Il semblerait donc que les germes du fonctionnalisme se trouvent non seulement dans les objectifs qu’il se fixe (assainir, fluidifier) mais aussi dans la méthode qu’il choisit pour les rendre lisibles. 
L’ouvrage regroupe, en plus des principaux documents sauvegardés de l’époque, des articles qui mettent en rapport cette croisière extraordinaire avec son impact sur la planification urbaine. Nous sommes en 1933 et la qualification « ville nouvelle » ne s’applique que dans des cas extrêmes, en Union soviétique, ou dans certains faubourgs de villes européennes. Personne ne s’imagine qu’une décennie plus tard va commencer le plus grand chantier urbain jamais entrepris : la reconstruction des villes bombardées en Europe et en Asie. Après la Seconde Guerre mondiale, les principes développés lors de ce CIAM vont prendre une autre ampleur. L’adoption quasi systématique des préceptes fonctionnalistes va contribuer à la rapidité et l’efficacité de la reconstruction. La suite est aussi connue : les nouveaux quartiers ne vont pas tarder à être dénoncés pour leur inhospitalité.
L’ouvrage, riche de documents inédits, permet de revenir aux fondamentaux d’une doctrine, qui malgré sa remise en question dans les années 1960, reste encore aujourd’hui la règle en matière de planification. Sophie Wolstrum, dans un des essais de l’ouvrage, voit deux explications à cette persistance paradoxale d’un modèle décrié : la première serait que les règles de la construction restent en grande partie tributaires de l’esprit fonctionnaliste. Ayant juridiquement cours, elles reconduisent sans que l’on puisse les modifier les mêmes motifs urbains. 
La deuxième raison serait, qu’éprises d’individualisme, nos sociétés se complaisent dans la séparation qu’induit le modèle fonctionnaliste. Pour dire les choses plus simplement, si la plupart des citadins admirent la ville informelle, ils préfèrent habiter un immeuble bien carré, dans un quartier résidentiel bien délimité, à l’abri des nuisances en tout genre qu’apporte la mixité d’usage.
Si le CIAM IV demeure des plus importants, c’est aussi parce que l’intelligence de ce qui s’y élabora allait bien au-delà des applications stériles qui verront le jour dans la seconde moitié du 20e siècle. Les questions qui préoccupent les architectes d’alors contrastent avec l’absence de marge de manœuvre qui qualifie la pratique architecturale actuelle. En effet, deux avis s’opposent à bord du Patris II pour savoir si la planification doit tenir compte de critères sociologiques. Cette exigence d’une prise en compte du politique va prendre le dessus 20 ans plus tard et aboutir à la suppression des CIAM, remplacés par les travaux de la Team 10.
L’ouvrage permet de s’attarder un peu plus sur un moment de l’Histoire trop facilement décrit comme une étape à surmonter. Le CIAM IV contient peut-être déjà les prémisses de la critique qui vont mener à son dépassement. 
On ne soulignera jamais assez un des aspects fondamentaux du fonctionnalisme, souvent ignoré par ses détracteurs : que les quatre fonctions qui déterminent la ville (se loger, travailler, se divertir et circuler) n’étaient pas séparées pour être cloisonnées les unes des autres, mais pour être analysées et mieux entrer en synergie.

 

Atlas of the Functional City

Ciam 4 And Comparative Urban Analysis 
Evelien van Es, Gregor Harbusch, Bruno Maurer, Muriel Pérez, Kees Somer, Daniel Weiss (eds.), Publisher Thoth et gta Verlag
2014 / CHF 84.-

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