Ar­chi­tec­tu­re et ci­né­ma, une ex­po­si­ti­on croi­sée

L’ambitieux dessein de l’exposition «Constructing Film. Swiss Architecture in the Moving Image» au Swiss Architecture Museum (S AM) est de dévoiler les multiples liens entre cinéma et architecture en Suisse. Mais à ne pas s’y tromper, l’objet exposé demeure essentiellement l’architecture.

Publikationsdatum
03-02-2016
Revision
03-02-2016

Jusqu’à la fin février, le musée permet aux visiteurs de voir des œuvres cinématographiques dans une institution qui expose habituellement de l’architecture. Pour l’événement, les organisateurs s’inspirent des dispositifs dédiés au 7e art et transforme ses salles afin de pouvoir visionner des images en mouvements. La pièce maitresse de l’exposition est un moyen métrage réalisé par l’artiste Florine Leoni et Evelyn Steiner. Le film est-il l’objet exposé ou simplement un support visuel pour accompagner une exposition d’architecture?

Des dispositifs pour regarder

La composante principale de l’exposition consiste en un espace aménagé pour l’occasion en salle de cinéma temporaire avec une tribune en gradins pouvant contenir une trentaine de personnes. Installé dans l’un des sièges, on regarde défiler un film de montage. La réalisatrice a sélectionné le matériau filmique qui lui a servi pour réaliser son «film collage» dans un corpus large de plus de 100 extraits. Il comprend aussi bien des reportages tirés de journaux télé, des documentaires d’architecture, des spots de promotions d’entreprises du bâtiment ou encore des vidéos réalisées avec un Smartphone. Les images, aux formats hétérogènes jalonnent les traces filmées du paysage architectural et urbain des quatre coins de la Suisse. Sorti de cette salle de cinéma reconstitué, de part et d’autre d’un couloir, les visiteurs patients peuvent visionner sur des écrans plats des entretiens réalisés avec 10 artistes helvétiques – architectes pour la majorité – qui explorent dans leur travail, les relations entre l’espace architectural et le cinéma. Enfin, la dernière salle qui clôture l’exposition est aménagée en un faux studio de montage. Les extraits qui ont servis à la réalisation du film y sont diffusés en entier sur des petits moniteurs.

Film d’architecture

Des architectures emblématiques, des infrastructures routières et hydrauliques ou encore des paysages alpins: dans le film essai de Florine Leoni et Evelyn Steiner, les images recouvrent prés d’un siècle de la culture du bâti en suisse et ses représentations filmées. Dans le désordre, il y a la voix, encore jeune en 1954, de Jean-Luc Godard dans le film documentaire Opération béton qu’il réalisa alors qu’il travaillait comme manœuvre pour le barrage de la Grande-Dixence, ou encore celle de Lucius Burckhardt se promenant dans les quartiers de Bâle en 1985 et enfin les cris des enfants jouant dans la salle de sport du dernier étage d’une école réalisée par Christian Keretz à Zurich en 2008. Au delà du plaisir de redécouvrir, au gré des hasards du montage, un pan exhaustif du paysage architectural et urbain en Suisse, le film se laisse agréablement regarder comme un essai en forme de collage d’images hétéroclites. Au fond, la méthode narrative choisie retrace parfaitement l’histoire conjointe du cinéma et de l’architecture moderne puis contemporaine. Mais le récit du film est soumis à une autre trame de lecture. Probablement par souci didactique, les auteurs divisent le moyen métrage en plusieurs chapitres: Sound spaces, narrative spaces, temporal spaces, light spaces, motion spaces, vision spaces et enfin experimentation spaces. Une voix off illustre chacune des sept parties en expliquant aux spectateurs les différentes manières de retranscrire la spatialité architecturale par l’outil cinématographique. Le flot des images qui nous berçaient en regardant l‘enchaînement imprévisible des extraits du film est quelque peu contraint par le désir pédagogique des auteurs. Celui-ci nous rappelle abruptement que nous sommes assis sur un strapontin dans un musée d’architecture et non dans le fauteuil d’une salle de cinéma.

Si l’intérêt architectural du film est avéré, il n’en n’est pas de même pour son intérêt cinématographique. Les liens entre cinéma et architecture sont féconds et peuvent être abordés de plusieurs façons. Au centre d’art de Fribourg, l’exposition en cours, Film Implosion! Experiments in Swiss Cinema and Moving Images, présente un pan jusqu’ici inexploré du cinéma expérimental helvétique. Le bâti y est aussi regardé comme un matériau filmique, mais contrairement à l’exposition du S AM, les œuvres de cinéma demeurent souvent souveraines des objets filmés. Plus proche de nous, à la Cinémathèque Suisse, Tracés explore depuis plus de quatre ans les liens étroits entre cinéma et architecture. Au gré des œuvres projetées, nous savourons chez chacun des deux arts, des plaisirs quelques fois alliés et d’autres fois singuliers, mais sans jamais renoncer à l’un ou l’autre.

Film trailer : https://vimeo.com/141398611

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