App­rend­re à di­stance

Editorial paru dans Tracés n°11/2014

Publikationsdatum
18-06-2014
Revision
10-11-2015

Il y aurait une deuxième révolution numérique en cours : celle du travail en réseau. La première avait donné naissance aux outils qui constituent aujourd’hui les principales interfaces de production pour les architectes et les ingénieurs. Elle fut d’une telle radicalité qu’il serait désormais difficile de trouver un professionnel ne faisant usage de ces outils dans sa pratique.

La deuxième révolution numérique se traduit par l’émergence, ici et là, de solutions pour interagir à distance, avec des partenaires que l’on ne connaît pas, mais avec qui on va devoir produire. Si coopérer avec des bureaux aux quatre coins de la planète n’a plus rien d’extraordinaire, il est toujours bon d’anticiper et d’essayer de comprendre ce que ces bouleversements apportent avec eux.

L’université a longtemps été aux avant-postes de la coopération internationale et interdisciplinaire. On pourrait même affirmer sans prendre trop de risques que le projet universitaire porte cette mission dans ses gènes depuis sa création. C’est pour cela que les expériences d’enseignement et de collaboration à distance sont les meilleurs laboratoires pour comprendre et mesurer les enjeux de ce qui est en train de se mettre en place.

Les MOOCs, soutenus par l’actuel président de l’EPFL, établissent des pratiques d’enseignement affranchies des contraintes de la présence physique : plus besoin de nouvelles infrastructures ni de nouveaux logements pour augmenter massivement le nombre d’étudiants inscrits. Des jeunes du monde entier auront bientôt accès aux mêmes contenus que les étudiants des écoles les plus prestigieuses. Solution miracle face au manque de ressources des écoles, les MOOCs permettent de se développer sans augmenter les coûts. Le revers de la médaille est la dissolution de l’université en tant qu’espace de partage et d’échange pour ces étudiants virtuels, rebaptisés apprenants. Soumis à un rapport individuel au savoir, ils ne connaîtront ni le cadre de vie universitaire, ni la leçon de démocratie qu’incarne le fait de faire partie d’une assemblée. Pire, les MOOCs semblent se mettre en place dans l’urgence de ce qui est perçu comme une offensive des grandes universités américaines. Avec la vague intuition que c’est là que les choses se joueront, plusieurs grandes écoles européennes s’empressent d’occuper le terrain de l’enseignement à distance, sans véritable projet pédagogique. Répondant à des enjeux plus médiatiques qu’éducatifs, les MOOCs risquent alors de connaître la fin qui est celle de toute opération spéculative : l’explosion de la bulle. 

Face à ce constat, d’autres projets comme elop* mettent l’accent sur l’échange et le travail en groupe. Moins massifs, plus en phase avec les méthodes de travail déjà présentes dans les écoles,  ils ont le mérite de montrer que l’individuation et la dissolution du politique ne sont pas les conséquences inéluctables du développement de l’enseignement en réseaux. Massifs, médiatiques et individualisants comme les MOOCs, ou coopératifs comme elop*, les nouvelles procédures d’enseignement à distance redéfinissent de façon brutale les équilibres et les priorités du monde académique.